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Said El-Maghrebi
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22 octobre 2006

Au secours, on a gagné une guerre!

                                                 

Le Matin.ma

web.master@lematin.ma

dernière mise à jour : 13 Septembre 2006, 22h04 GMT

Au secours, on a gagné une guerre !

Voilà que nos temps des défaites nous ont réservé l'inattendue «victoire». Evénement rare, conçu chez nous comme synonyme de fierté nationale, sans plus. Car notre appréciation ne s'est guère améliorée depuis les siècles de prestige et aussi de fantaisie. Nos batailles sont juste un dispositif pour expulser le danger loin de nos frontières et nos territoires. Complexé par les victoires, on cherche humblement à faire savoir à l'ennemi la justesse de notre action contre lui, sans suite. Même défait, repoussé, le vaincu aura une considération particulière, ce qui fait que nos guerres sont plutôt de sages exercices de paix et de repli - gagner c'est s'éloigner - sans prétention ni perspective, sans gain ni butin.



Gagner c'est s'éloigner,

sans prétention ni perspective,

sans gain ni butin.


Pour nous, musulmans, les victoires ne sont pas des propulseurs de dynamique sociale afin de créer des conditions nouvelles, susceptibles d'être un réacteur de progrès économique et politique de nos sociétés. Elles ne sont même pas un acquis territorial ou une suprématie régionale. C'est juste une opération de surcroît que la nation doit surmonter pour préserver et conserver ses symboles et leurs prédestinations. Nous n'avons jamais mené une guerre parce que nous l'avions voulue. Elle est toujours pour nous une réaction pour défendre nos acquis de «loi naturelle» défendables dont la revendication est, plutôt pour nous, légitime ! Nos guerres, au niveau interne (contre soi-même), étaient menées par nos régimes. Soit pour abuser de leur pouvoir afin d'extraire des populations leurs subsides et renflouer les poches des Sultans et leurs gouverneurs. Soit pour neutraliser des révolutions ou des mouvements de protestation contre la gestion politique, commerciale ou économique du pays.
Ou enfin, pour des manœuvres politiques menées afin de préserver le dogme et la soumission. Tout cela n'était accompagné d'aucune politique de réforme ou d'aménagement ou encore de restructuration ou de progression. Nos guerres, au niveau externe (contre l'étranger), étaient aussi des guerres de défense, sans prétention. Youssef ibn Tachfine avait gagné, depuis l'aube de l'ère andalouse, une majestueuse guerre sainte en terre européenne (az-Zallaqa - 1086), ce qui est phénoménal, sans plus. Rien n'était planifié en dehors de l'établissement de l'État marocain sur le territoire andalou. De retour au pays, il consomma le quotidien, mena des harkas notamment, là où il y avait révolte ou mécontentement, afin d'apaiser le désordre général dans son Empire. Salaheddine al-Ayyoubi n'a pas fait mieux. Il remporta une grande guerre sainte (Hattîne - 1187) contre les déshérités européens, afin de préserver les lieux saints, sans stratégie cependant pour résoudre le problème une fois pour toutes et imposer le droit du vainqueur comme il fallait dans de telles situations.
Les Saâdiens, encore, gagnèrent une des grandes guerres du Maroc contre le Portugal (Wâd el-Makhazin - 1578). La défaite de celui-ci est épouvantable.
Le pays «sur lequel le soleil brille constamment» perd la guerre et aussi son Roi, également son indépendance vis-à-vis de l'Espagne, seul vainqueur stratégique. Car il profita, sans le savoir, de la faveur que lui faisait le Maroc qui, une fois de plus, laissa échapper les moyens de se montrer au monde et de s'imposer comme une force nouvelle mondiale. Il n'a pas su profiter des retombées de cette victoire, pour élargir ses ressources économiques et territoriales sur le détroit de Gibraltar. Mais malheureusement, cette donne n'entrait pas dans ses calculs. Elle n'a été profitable que pour entretenir ses arguments, étant un pays souverain, garant d'un passé passif, sans relief et plein de remous.

Notre héros du moment (Hassan Nasrallah - 2006), fait preuve de grand tacticien. Meneur d'hommes honnête et clairvoyant, il a constellé nos jours à défendre le territoire du Liban, bombarder Israël et sortir vainqueur de la guerre, sans plus. Car le Liban a été complètement détruit, dévasté. Mais peu importe, il a pu se tenir debout, la tête haute, face à deux grandes puissances militaires mondiales les USA et Israël. Mais malheureusement, notre héros doit offrir sa victoire aux autres parties de la nation libanaise qui ne l'ont pas méritée. Car démissionnaires, livrant le Liban à l'incertitude, corrompus de ne pas combattre, même par les mots. Spécificité libanaise, tout le monde gouverne. Mais pour gagner les guerres, il faut juste un parti, Hizbollah, juste une personne, Nasrallah. On l'entendant commenter sa victoire, sans prétention ni attitude de confiscation du pouvoir à ceux qui n'ont rien fait, sauf parasiter l'épreuve de la guerre et attendre sa fin pour encore parasiter et semer le doute. Quel particularisme bizarre libanais, minimisant un exploit historique, que de préserver la souveraineté aux seuls Libanais ! Il est trop sage, notre héros Nasrallah. Il demandait aux dirigeants arabes, au début de la guerre, de se taire et de juste l'oublier. Car capable de son pari. Quelle humiliation!  Mais après l'avoir gagné, il l'a perdu quand même. Puisqu'il offre, sa victoire, sur un plateau et gratuitement, à ceux qui ne désirent ni perdre ni gagner. Ils veulent seulement la paix, reconsidérée cette fois-ci par cet ennemi éternel, celui auquel nous avons toujours fait comprendre que nous voulions vivre en paix, sans plus.

Merci Nasrallah de nous avoir montré nos limites, de ne rien changer dans nos habitudes et de ne revendiquer que la satisfaction de nos âmes blessées.

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